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Pierre Louis Bordereau

L’Europe doit se penser et agir en puissance dès aujourd’hui si elle ne veut pas disparaître demain




Macron a tenu un long plaidoyer pour une Europe résolument engagée à devenir une puissance mondiale internationale. Face à un monde en mutation rapide, caractérisé par des tensions et rivalités croissantes entre les Etats, il semble donc temps pour l’Europe de se réinventer et de se réaffirmer comme puissance dans le jeu mondial.

Cette mise en garde, « notre Europe est mortelle », résonne face aux multiples défis qui attendent notre continent : nous sommes confrontés à la montée de puissances qui souhaitent détrôner l’Europe, la résurgence des autoritarismes dans certaines régions du monde, la guerre à nos portes, sans compter la menace climatique de plus en plus importante. Le Vieux Continent est aujourd’hui à un carrefour de son histoire, et il doit saisir cette opportunité pour se réinventer.

 



 

 

Une indépendance stratégique inexistante

 

               L´indépendance stratégique européenne que certains appellent de leurs vœux depuis déjà plusieurs années, le président E. Macron en tête, n'a pour l'instant jamais réussi à sortir du stade embryonnaire, à dépasser la forme du concept. Certains y ont cru en 2019, lorsque l'OTAN était décrit en « mort cérébrale ». D’autres ont vu dans la guerre en Ukraine en février 2022 l’occasion de bâtir une stratégie de défense européenne, prémices d'une véritable stratégie et indépendance européenne. Aujourd´hui, seule une sensation amère de gâchis ressort sur ce sujet d’indépendance européenne. Incapable de parler d´une seule et unique voix, l´Uunion Européenne est retombée dans ses travers et délègue en grande partie le soutien à l’Ukraine aux Etats-Unis de Joe Biden, une fois ses propres stocks épuisés. Certains pays fournissent pourtant un véritable effort de réarmement, comme la Pologne, qui prévoit une dépense militaire de près de 4% de son PIB en 2024, notamment pour agrandir et moderniser son armée. Dans le même temps, seuls dix pays de l´Union respectent le pacte des 2%, pour la plupart des pays d´Europe de l’Est, pour qui le souvenir de l’occupation russe est encore marquant.

               Mais l'indépendance stratégique à bâtir, si elle doit comprendre un volet militaire, doit aller au-delà de ce simple aspect. La société civile européenne elle-même doit pouvoir prendre part à cet effort, et cela passera par la fabrication de produits stratégiques, la construction d’infrastructures énergétiques, de communication, de transport ou tout simplement de cybersécurité. La plupart de l’effort européen auprès de l’Ukraine, aujourd´hui le pays qui lutte en première ligne pour sa propre indépendance, et conséquemment celle de l’Europe, est d’ordre financier envers le gouvernement ukrainien, et parfois équipementier quand on découvre un stock inutilisé pas encore envoyé. Sur le million d’obus qu’elle devait produire et envoyé à l’Ukraine, l’Union Européenne n’en a pas envoyé plus de 300 000. Seul le vote américain ce samedi 20 avril sur une aide de 61 milliards de dollars permet encore aujourd’hui à l’Ukraine d’envisager la suite des combats

 

               Il est donc urgent que l’Europe redevienne une puissance militaro-industrielle, afin de pouvoir soutenir l’Ukraine face à la Russie dans la guerre actuelle, gagner en autonomie vis-à-vis du partenariat OTAN et enfin retrouver une capacité de projection militaire capable de défendre les intérêts européens à l’échelle internationale. En tant que français, l’on pensera immédiatement aux territoires d’Outre-Mer et îles françaises dont la légitimité est contestée ou qui pourraient devenir des cibles en cas de conflit, notamment dans l’Océan indopacifique. La reconstruction de cette industrie militaire, en cours mais encore trop lente, pourrait bénéficier d’une implication de l’Union européenne, via ce que certains appelleraient le Defense Protection Act européen. Cette loi américaine du dernier siècle permettrait notamment à l’Union européenne ou à ses États membres de forcer les sociétés privées à honorer en priorité les commandes passées au sein de l’Union européenne. Elle permettrait aussi de soutenir, par la dépense et des emprunts européens, la production et la survie des industries dites stratégiques. Bien entendu, une telle loi ne serait pas transposable en l’état du système américain au système européen, où les questions de souveraineté devraient être négociées pour chaque scénario d’utilisation d’une telle loi. Mais elle permettrait de planifier et relancer la défense européenne à l’échelle régionale, et non simplement nationale. Dans cette idée, le commissaire européen chargé de l’industrie de défense Thierry Breton a par exemple proposé la création d’un fonds de 100 milliards d’euros pour permettre le développement et l’accélération de la mise en place de ce complexe militaro-industriel.

 

 

Un exemple de réindustrialisation par le complexe militaro-industriel, Eurenco

 

Eurenco est le géant français et européen de l’industrie munitionnaire, qui jusqu’avant l’éclatement de la guerre en Ukraine peinait à remplir ses carnets de commandes, et s’était ancré dans une stratégie de limitations des coûts et de repli sur ses marchés sûrs. Le début de la guerre en Ukraine aura permis de remplir les carnets de commandes de 1.2 Milliards d’euros un an et demi après la guerre, contre un chiffre d’affaires précédent de 190 millions d'euros par an.

Au-delà de la réindustrialisation permise par cette envolée des commandes, qui semble parti pour durée au vu de l’instabilité chronique du monde, le géant Eurenco constituait jusqu’à récemment un goulot d’étranglement pour la remontée en puissance de l’Union, avec un nombre de fabricants de poudre limité.

Or aujourd’hui, la production de l’entreprise a doublé en un an, et elle attend un résultat similaire sur l’année 2025, avec en ligne de mire une prévision de production de 200 000 obus par an, d’ici à la fin de l’année 2025-2026.

Tout cela est aujourd’hui permis par une relocalisation de la production en Europe, avec un investissement 500 millions d’euros, dont 76 millions proviennent de la Commission européenne, via l’Action de soutien à la production de munitions, instrument créé à la mi-2023. 

 


Source Shutterstock

 

Au-delà de ces aspects, l’Union Européenne ne réussit toujours pas, presque 70 ans après le Traité de Rome de 1957, à parler d’une seule voix. Peut-être n’a-t-elle jamais réellement su le faire, à moins de circonstances spéciales, comme en février 2022, lorsque l’Union Européenne réussit l’impensable, se coordonner pour sanctionner l’agression russe. Cette réalité est nécessairement pénalisante pour peser à l’échelle mondiale : les rivaux géostratégiques que sont la Russie et la Chine le savent bien, et préfèrent généralement traiter avec les pays de manière séparée afin de conserver un avantage. Le système européen, qui offre la même voix à chaque Etat dans des structures telles que le Conseil Européen, devient alors une faiblesse dans laquelle la Chine ou la Russie s’engouffrent aisément. Combien de fois la Hongrie de Viktor Orban a-t-elle failli faire capoter des sanctions contre la Russie ? L’usage nécessaire de la pression par les aides européennes n’est malheureusement qu’une solution à court terme, qui ne permet pas à l’Union de renouer avec ce pays, aujourd’hui isolé sur la scène européenne. La gouvernance autoritaire d'Orban, sa gestion controversée des droits de l'homme et sa politique médiatique répressive ont souvent placé Budapest en porte-à-faux avec les principes fondamentaux de l'Union Européenne. De plus, la Hongrie a régulièrement bloqué ou retardé des initiatives européennes clés, notamment en ce qui concerne les sanctions contre la Russie et les positions communes sur la Chine. Ce comportement a ouvert des brèches stratégiques que Moscou et Pékin n'ont malheureusement pas manqué d'exploiter pour tenter de diviser et de ralentir l'intégration européenne. En cultivant des relations bilatérales étroites avec la Russie et la Chine, Orban ne sert pas seulement les intérêts nationaux hongrois tels qu'il les conçoit, mais il contribue également à affaiblir l'unité européenne.

 

L'Union européenne se heurte à des obstacles majeurs dans sa quête pour se projeter en tant que puissance géopolitique influente, illustrés par plusieurs crises et conflits. Lors de l'éclatement de la Yougoslavie dans les années 1990, l'UE a peiné à répondre efficacement à la crise, laissant le champ libre à l'OTAN et aux États-Unis pour intervenir militairement, délégant ainsi sa propre sécurité aux Etats-Unis, sur un conflit à ses frontières, préfigurant presque déjà de sa future gestion de la guerre en Ukraine. Plus récemment, les tensions gréco-turques en Méditerranée orientale autour des droits de forage gazier et pétrolier ont mis en évidence les divisions internes de l'UE, incapables de formuler une réponse unifiée face à un membre de l'OTAN et candidat à l'adhésion à l'UE. En outre, la relation complexe avec la Chine, où les intérêts économiques massifs se heurtent à des préoccupations en matière de sécurité et de droits humains, souligne la difficulté de l'UE à adopter une politique cohérente et ferme. Cette incapacité à agir de manière proactive plutôt que réactive s'ancre dans une structure institutionnelle et une diversité d'intérêts qui rendent les décisions communes lentes et souvent diluées. L'UE s’est confinée dans un rôle où elle se contente de réagir aux crises internationales au lieu de les prévenir ou de les façonner.

 

 

Cette posture purement réactive empêche l'UE de redevenir un épicentre des changements géopolitiques mondiaux, car elle lutte non seulement contre des crises externes mais aussi contre ses propres divisions internes et son manque de vision stratégique unifiée. Il est nécessaire pour l'Europe de contrer ces influences extérieures et de renforcer sa cohésion interne pour pouvoir repenser sa stratégie de puissance.

 

 

 

Une industrie en voie d’extinction

 

L’année 2024-2025 sera décisive pour l’avenir de l’industrie européenne. Celle-ci sort aujourd’hui d’une cure d’amincissement de plusieurs décennies organisées par les grandes entreprises et les gouvernements européens, dans une logique de réduction des coûts, d’optimisation des chaînes de production et de la possibilité de proposer aux consommateurs européens des produits peu chers et accessibles en très grand nombre. La crise covid, et les problèmes d’approvisionnement qui en ont découlé on fait réapparaître dans le vocabulaire politique des mots bannis quelques années auparavant : « indépendance industrielle stratégique », « réindustrialisation », etc. Seulement voilà, il est légitime de se demander aujourd’hui si l’Europe a les moyens de redevenir une puissance industrielle, et si elle en aura seulement l’occasion, au vu de l’évolution de ses rivaux.

La menace industrielle immédiate se trouve aujourd’hui en Chine : avec une croissance de seulement 3%, la prospérité économique du pays se tasse beaucoup plus vite que ne l’espéraient les dirigeants chinois. La consommation chinoise reste atone, alors même que la consommation privée est un moteur de croissance dans les pays développés : la consommation chinoise ne représente que 39% du PIB, contre 68% aux Etats-Unis. La croissance du pays continue donc de passer par l’exportation de masse de ses produits. En 2023, la Chine a fabriqué l’équivalent de 35% de la production manufacturière mondiale, avec des usines largement subventionnées tournant à plein régime. Jamais la population chinoise ne pourra absorber ce surplus, alors même que les Chinois s’enrichissent plus lentement et que les scandales de corruption dans l’immobilier ont durement attaqué leur épargne. La solution pour éviter la surproduction sur le marché national réside dans l’exportation de masse de cette production. Mais quels marchés sont aujourd’hui assez matures, développés et grands pour accueillir ce flot continue de voitures électriques, batteries et panneaux solaires ? L’inde entretient toujours des relations tendues avec le régime chinois, et si le marché se développe vite, les restrictions sont trop nombreuses. Le Japon ne compte pas assez de consommateurs. Les Etats-Unis pourraient constituer une cible de choix, s’ils ne s’étaient pas dotés de l’IRA (Inflation Reduction Act) qui a relancé l’économie américaine, et s’ils ne menaient pas une guerre commerciale avec la Chine depuis le mandat de D. Trump.

 

Source: Shutterstock

 

Il reste donc l’Union Européenne, qui actuellement est un marché encore très ouvert aux produits chinois, malgré des appels à une réindustrialisation et à récupérer une autonomie industrielle vis-à-vis du partenaire chinois. À titre de comparaison, une voiture électrique chinoise vendue en Europe comptera une taxe douanière de 10%, contre 27.5% aux Etats-Unis. Il n’est donc pas étonnant que les fabricants chinois aient redirigé leur surplus de production vers les marchés européens. Les constructeurs européens se retrouvent donc aujourd’hui à devoir fournir des investissements importants pour tenter de rattraper leur retard sur les concurrents chinois, alors même que cette surproduction entraîne déjà une baisse générale des prix, avec lesquels certains investissements productifs ne sont plus rentables. Comment concurrencer une industrie capable d’appliquer une baisse de 5% par an sur les prix de ses nouveaux véhicules électriques ? Comment rattraper un retard dans la production de batteries, quand la production chinoise réussit à faire baisser leur prix de vente de 13% entre 2020 et 2023 ? Et cette domination se retrouve aussi dans l’acier, la pétrochimie, les produits pharmaceutiques ou encore le papier.

C’est donc ce qu’il reste de l’industrie européenne qui est menacé, et on peut particulièrement penser aux constructeurs automobiles allemands, qui ont permis la réussite économique du pays jusqu’à maintenant, mais qui se retrouvent aujourd’hui face au risque d’être complètement dépassés. Or si le moteur économique européen ne redémarre pas, c’est la dynamique de toute la zone euro qui est menacée. Et le décrochage économique européen vis-à-vis des rivaux américains et chinois continuera de progresser comme c’est le cas depuis le début des années 2010.

 

Source : chiffres provenant de la Banque Mondiale, 2024

 

 

 

Un retard d´innovation structurel et une incapacité à transformer les recherches en entreprises innovantes

 

Il est de notoriété que c’est par des découvertes innovantes que l’économie peut se développer et rester compétitive, voire concurrencer les entreprises étrangères sur d’autres terrains. Or, l’Union européenne manque fortement d’un système de recherche capable de produire ces grandes réussites innovantes qui changent la face d’une ou plusieurs industries. Tout d’abord on peut le voir en observant simplement les dépenses de R&D européennes face à celles de la Chine ou des Etats-Unis : En 2015, si l’UE était distancée par les Etats-Unis avec 2.8% de leur PIB en R&D, elle restait devant la Chine, avec 2% contre 1.9%. Presque 10 ans plus tard, les rapports de force ont été entièrement rebattue, en défaveur de l’UE. L’Europe investit aujourd’hui 2.2% de son PIB en R&D contre 3.8% pour les Etats-Unis ou 2.4% en Chine. Autre souci, ces dépenses européennes sont avant tout celles des Etats : les investissements en R&D des entreprises européennes ne représentent aujourd’hui que 16% des dépenses de leurs homologues américaines. Les industries européennes ne sont pour la plupart pas capables de tenir la cadence avec les concurrents, si ce n’est dans quelques domaines, comme l’automobile, où malgré la menace des voitures électriques chinoises, ce sont bien les conglomérats européens qui dominent encore aujourd’hui le marché, et notamment les dépenses en R&D dans le secteur. Dans certains secteurs on observe au contraire un recul européen, comme dans celui de la santé. Si l’Europe, en comptant le Royaume-Uni et la Suisse, était capable de rivaliser avec la puissante industrie de la santé américaine en 2017, ce n’est plus le cas aujourd’hui, avec l’arrivée massive des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) et de l’intelligence artificielle dans les processus de recherche.

L’IA constitue d’ailleurs un nouvel exemple du dysfonctionnement structurel du système de recherche européen : L’Europe est aujourd’hui la première productrice de rapports et publications sur l’IA, mais elle ne dépose que 5% des brevets liés à une utilisation commerciale de celle-ci. La bataille semble déjà décidée, et elle opposera le Chine et les Etats-Unis dans le domaine, même si l’Europe essaie de se doter de champions européens dans le domaine, comme l’entreprise française Mistral. Il est pourtant primordial de ne pas rater le coche de l’IA, alors même que le vieux continent a déjà raté celui des TIC, qui a permis l’émergence de géants industriels aux Etats-Unis.

 

 

L’Europe se doit de planifier sa relance à plusieurs niveaux pour exister

 

Malgré les différentes crises que traverse l’Union européenne, elle a toujours su ressortir plus forte de celles-ci. L’Union européenne se forge dans les crises, et c’est à travers ces crises qu’elle avance, bon gré mal gré. Et les défis ne font pas exception et constituent une opportunité pour l’Europe de se relancer à la table des puissances. Cela passera d’abord par une maîtrise des ses périphéries, pour assurer sa stabilité et la présence de partenaires à ses portes plutôt que d’ennemis : il faut réussir à repousser la Russie hors d’Ukraine, et consolider l’arrimage de cette économie à l’Europe. Il faut repousser l’influence russe au Sahel et lutter face à l’influence chinoise qui se développe dans le reste du continent africain, au travers de pièges de la dette. Il faut également que l’Union Européenne soit capable d’agir en autonomie sur sa défense, non pas en quittant l’OTAN mais en retravaillant cette relation avec les Etats-Unis, afin d’être sur un pied d’égalité.

La relance doit être industrielle, les dernières décennies de délocalisation nous auront montré que ce qui compte à la fin, c’est la localisation du site de production. Cela peut et doit passer par un système d’endettement commun, tel que celui du covid. La relance doit se faire à l’échelle régionale et non pas chaque pays contre les autres, comme semblait le suggérer le plan de relance allemand, lancé en catimini par Olaf Scholz. Cette relance doit se faire sur plusieurs niveaux : rehausser fortement les droits de douanes envers les produits venant de pays rivaux, tels que la Chine, pour forcer les entreprises européennes à revenir en Europe ou dans ses périphéries. Reconstruire les usines et investir dans les technologies industrielles qui permettent la croissance, tels que les batteries, les voitures électriques ou encore les énergies renouvelables. Subventionner ces industries, pour permettre l’émergence de champions européens capables de défendre les intérêts stratégiques de l’Union.

Le marché européen, fort de ses 450 millions de consommateurs avec un niveau de vie pour la plupart élevé, constitue toujours aujourd’hui l’une des principales forces de l’Europe. Il faut l’utiliser pour forcer le rayonnement des normes juridiques européennes, notamment écologiques, afin de permettre à l’Europe de prendre le leadership sur ce sujet, et de construire un projet écologique mondial qui ne serait ni sous la houlette américaine, ni sous la coupe chinoise. Par la promotion d’une lutte pour le climat, l’Europe peut espérer jouer un grand coup et conserver une influence mondiale.

 

 

Un changement en cours de route

 

Néanmoins il semble aujourd’hui exister un réveil au sommet de l’Union Européenne, après les crises successives traversées par la présidence d’Ursula Von der Leyen. Le sacro-saint ordre libéral, s’il n’est pas abandonné est déjà plus remis en cause à Bruxelles qu’il ne l’a jamais été : les pays d’Europe se rendent compte que le jeu n’est pas équilibré, et que l’Europe doit aujourd’hui se doter d’une politique industrielle si elle veut pouvoir continuer à exister. Mais ces changements de paradigmes restent encore mineurs et la masse des normes environnementales complique la tâche de la réindustrialisation. La politique européenne de hausse du prix d’émission d’une tonne de CO2, si elle partait d’une intention louable, devient aujourd’hui un frein majeur à la rentabilité d’investissement dans la réindustrialisation, ou simplement leur compétitivité.

Certes l’Union a innové : face au traumatisme des panneaux solaires qui sont en train de détruire toute l’industrie européenne du photovoltaïque, l'Union a pour la première fois déployé des réglementations sectorielles, ainsi que des objectifs clairs pour relancer sa production. Le continent envisage ainsi de porter sa part dans la production des puces électroniques de 10% à 20%. Le Net Zero Industry Act doit encourager et permettre la production de 40% des technologies vertes qui seront utilisées en Europe. La question d’une taxe carbone aux frontières européennes est aussi aujourd’hui fortement discutée à Bruxelles, avec notamment la possibilité de lutter contre les industries massivement subventionnées en leur coupant les accès aux marchés européens.

Mais tout cela coûte extrêmement cher : il faudrait que l’Union soit capable d’injecter 650 milliards d’euros par an pendant 10 ans pour espérer réussir sa double transition écologique et numérique. Or le plan de relance européen se terminera en 2026, et le risque que les Etats cherchent à faire jouer la concurrence entre eux est grande : L’Allemagne était ainsi le bénéficiaire de 45% des aides d’Etats aux entreprises en Europe en 2023.

 

 

 

 

 

 

Il n’est aujourd´hui plus possible pour l´Union Européenne d’être à la fois frugale en termes de décisions politiques et en termes de financement pour relancer son industrie et son économie. Au-delà d'un défi budgétaire, c'est un défi existentiel qui attend l'Europe si elle ne souhaite pas devenir le grand gâchis de ce XXIe siècle en se transformant en un simple terrain d'affrontement de la rivalité sino-américaine.

 

 

 

Sources :

-        « Comment la Chine lamine l’industrie européenne », 04/04/2024, Le Monde

-        « L’Europe doit s’adapter et bâtir sans attendre une économie de guerre », 27/03/2024, Le Monde, Tribune.

-        « La comparaison entre les systèmes d’innovation européen et américain n’est guère encourageante pour l’Europe », 15/03/2024, Le Monde, Tribune.

-         « Le nouveau modèle économique de la Chine lui promet davantage de conflits commerciaux », 04/04/2024, Le Monde, Harold Thibault.

-        « En parrainant les putschistes d’Afrique Sahélienne, la Russie s’offre une nouvelle emprise sur l’Europe », 24.03.2024, Le Monde, Philippe Bernard.

-        « L’Union européenne résiste malgré les multiples crises », 23.04.2023, Courrier international, Anna Slojewska.

-        « En Europe, une si difficile réindustrialisation », 29.04.2024, Le Monde, Éric Albert, Virginie Malingre.

 

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