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Alexandre SIMON

Le retour sur la scène internationale de l'Iran


Les diplomates et le monde assistent en ce moment à un revirement de l’Histoire. L’Iran, coupé du monde depuis 1979, semble revenir sur la scène internationale.

Après des années d’isolement diplomatique dues à l’instauration d’un régime politique islamiste et dues à des soupçons de développement de l’arme nucléaire, l’Iran est revenu au cœur des enjeux géopolitiques lors des accords de Vienne, le 14 juillet 2015, au cours desquels l’Iran s’est engagé à rendre des comptes au sujet de l’établissement d’une hypothétique capacité nucléaire. Quelles sont les conséquences de ce retour sur la scène internationale ?

Au cours des années 1970, le Shah d’Iran Pahlavi, soutenu par les Occidentaux, désire moderniser la société iranienne en instaurant par exemple l’égalité des sexes, mais il ruine le pays. Il est très contesté par la bourgeoisie et les milieux d’inspiration religieuse. En 1979, la révolution éclate. Le Shah s’enfuit le 16 janvier et l’Ayatollah Khomeiny revenu d’un exil de quinze ans instaure une République islamique se voulant d’un côté antiaméricaine. En effet les États-Unis sont appelés « le Grand Satan » et leur ambassade à Téhéran subit le 4 novembre 1979 une prise d’otage pour les forcer à livrer le Shah déchu : cinquante-deux diplomates et civils sont retenus prisonniers par des étudiants pendant quatre cent quarante-quatre jours, malgré une tentative de libération par les forces américaines à la fin de l’année 1979. Par conséquent, les Américains rompent de 1980 à 2009 leurs relations diplomatiques avec l’Iran. D’un autre côté, au sein de la République Islamique vivent quarante pour cents des chiites dans le monde, ce qui fait du pays une république confessionnelle chiite et la tête de proue du chiisme, s’opposant ainsi à l’Arabie Saoudite sunnite qui de surcroît est alliée au « Grand Satan ». La République Islamique se dit enfin antisioniste. Les relations déjà tendues avec Israël se dégradent. L’État juif devient en effet un des pires ennemis de l’Iran qui soutient les milices chiites combattant Israël comme le Hezbollah et le Hamas. Au travers d’une révolution islamique instaurant du point de vue des Occidentaux un régime d’un autre âge, l’Iran est plongé dans un isolement diplomatique qui va perdurer pendant des décennies.

Puisqu’il est à la tête du chiisme, l’Iran est menacé de toutes parts par les Etats sunnites, particulièrement l’Arabie Saoudite, sans compter que ces États sont alliés pour la plupart au « Grand Satan » qui y dispose de bases militaires. Cela pourrait représenter une cause parmi d’autres, en plus de nombreuses attaques sur son territoire au cours du XXème siècle, d’une volonté potentielle de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Officiellement, Téhéran annonce depuis longtemps le développement d’un programme nucléaire civil. Cependant, la présence d’une usine de fabrication d’eau lourde à Arak inutile au réacteur civil de Buchehr, et celle d’un site d’enrichissement d’uranium à Fordow, apportant la preuve du développement d’un programme secret, font planer le doute depuis le début des années 2000. Mais pourquoi la détention de l’arme nucléaire par l’Iran serait-elle un problème ? En fait, d’une part, l’Iran a signé en 1970 le Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP) par lequel il s’engage à ne pas développer de programme visant à se doter de l’arme nucléaire, et de l’autre la détention d’une telle arme par l’Iran risquerait de contraindre les États sunnites voisins à en chercher le secret. Ces soupçons envers l’Iran ont pour effet de renforcer son isolement diplomatique.

Des sanctions économiques de la part des États-Unis et de l’Union Européenne sont infligées depuis le début des soupçons envers l’Iran. Ces sanctions ont pour but d’affaiblir l’Iran dont les programmes nucléaires seraient retardés mais représente un échec car l’Iran compte aujourd’hui environ vingt mille centrifugeuses contre cent soixante en 2003. Israël est en faveur d’une solution plus radicale envers un de ses pires ennemis : elle propose des frappes préventives sur les sites de recherche nucléaire avant que l’hypothétique bombe ne soit prête, ce qui pose de nombreux problèmes. En effet en plus des pertes humaines, des représailles pourraient être menées contre Israël par des alliés de l’Iran comme le Hezbollah. Finalement, le 14 juillet 2015, à Vienne, un accord est trouvé. A la table des négociations figurent l’Iran, les États-Unis, l’Union Européenne, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie ainsi que la Chine. L’Iran s’engage à limiter les enrichissements d’uranium, limiter la production de plutonium et à laisser inspecter par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique pendant vingt ans ses centrifugeuses et pendant vingt-cinq ans la production d’uranium concentré. Si l’Iran tient ses engagements, l’embargo américain et européen dans les domaines de la finance, de l’énergie et du transport devrait s’interrompre.

Ces accords mettent fin à l’isolement diplomatique de l’Iran, qui revient sur le devant de la scène internationale. La conséquence immédiate est le retour de l’Iran sur le marché mondial, ce qui pourrait avoir des effets bénéfiques à long terme sur le pays qui détient les plus vastes gisements de gaz au monde qui attirent les investissements d’une Europe trop dépendante énergétiquement de la Russie.

Cependant, les États sunnites voisins craignent que l’Iran n’ait le vent en poupe et ne profite de sa puissance tant économique que politique pour accroître son influence régionale. L’Arabie Saoudite a ainsi injecté cinquante milliards de dollars dans la rénovation de son armée.

Parlons maintenant de l’État Islamique. Une fois Saddam Hussein le sunnite déchu en 2003 de la tête d’une Irak aux deux tiers chiite, la communauté sunnite irakienne est marginalisée et persécutée. C’est pourquoi de nombreux sunnites facilitent l’ascension en Irak de l’État Islamique, dont un des objectifs est la destruction de la domination chiite dans ce pays. En tant que fer de lance du chiisme, l’Iran combat ainsi Daesh, en venant en aide à l’État irakien. Bien qu’il s’agisse du pays combattant le plus activement contre l’Etat Islamique, l’Iran n’est pas intégré dans la coalition contre Daesh en raison de l’opposition de l’Arabie Saoudite. Ainsi, les États-Unis officiellement avancent qu’il n’existe aucune « coordination militaire » avec l’Iran, ce qui amène ce dernier à se plaindre que « pour lutter contre le phénomène dangereux, il n’y a que la République Islamique. […] Il n’y a aucune volonté américaine ! ». L’État islamique profite de ce manque de coopération pour s’étendre. Hubert Védrine dit ainsi que « si l’on veut éliminer Daesh, il est indispensable de mettre en place une coalition totale anti-État Islamique avec l’Occident, les pays arabes, la Turquie, la Russie et l’Iran ». Le retour de l’Iran sur la scène internationale pourrait ainsi mener à un élargissement de la coalition contre Daesh.

L’Iran est sorti avec les accords trouvés à Vienne de son isolement diplomatique, dû à son choix politique et à des soupçons de développement de l’arme nucléaire. Ce revirement ouvre le pays au commerce mondial et pourrait contribuer à l’intégration de l’Iran dans la coalition contre Daesh. Cependant, l’inquiétude des voisins sunnites persiste. On peut ainsi se demander si l’Iran peut redevenir un pilier politique pro-américain du Moyen-Orient dans la cadre d’une nouvelle politique des « Twin Pillars ».

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